La provincia Romana, future Provence, attire particulièrement ces communautés, au point qu’un siècle plus tard, selon la tradition, les Saintes Maries juives (Marie Madeleine, Marie Jacobé, et Marie Salomé) auraient elles-mêmes accosté sur les côtes camarguaises. On raconte aussi que le gouverneur de Galilée, Hérode Antipas, fils du roi Hérode (responsable du massacre des Innocents dans les Evangiles), aurait été banni par Rome et exilé en Narbonnaise, dont faisait partie la Provence.
Une implantation dans le sillage des Phéniciens
C’est cependant sur les côtes ibériques que l’installation juive fut la plus massive, dans le sillage d’un peuple sémitique conquérant : les Phéniciens, futurs Carthaginois, établis durablement en Espagne. Aujourd’hui encore, des études génétiques suggèrent qu’environ un Espagnol sur cinq porterait un marqueur génétique lié à un ancêtre juif. Cette présence nourrira la formation de la célèbre diaspora séfarade (Sefarad étant le nom hébraïque de l’Espagne), qui essaima plus tard dans tout le bassin méditerranéen et au-delà.Du Languedoc à la Provence : migrations successives
Les Juifs gagnent d’abord naturellement le Languedoc par la proximité géographique avec l’Espagne, en suivant la côte du Golfe du Lion. Puis, poussés par les persécutions, discriminations et retournements d’alliances politiques (avec les rois wisigoths, les souverains catholiques ou les chefs musulmans), ils poursuivent leur route vers l’est.À cette époque, une période ultra favorable s’ouvre sous Charlemagne : il leur accorde protection et privilèges, reconnaissant leur rôle d’intermédiaires économiques précieux avec l’Espagne musulmane. Une tradition rapporte même qu’un prince juif (Nessiim) aurait exercé un certain pouvoir à Narbonne.
Une terre d’érudition et de refuge en Provence
Aux portes de la Provence, entre Montpellier et Arles, des communautés juives s’organisent autour de pôles intellectuels et religieux. Leur érudition, notamment en médecine, mais aussi en mystique juive (kabbale), leur vaut l’estime des autorités. Certains noms célèbres comme Nostradamus (issu d’une famille juive convertie) en sont des héritiers tardifs.Mais les discriminations, spoliations, et accusations récurrentes finissent par pousser de nombreux Juifs à chercher refuge au-delà du Rhône, dans le Comtat Venaissin, territoire pontifical autour d’Avignon. C’est là que naît une culture singulière : la culture judéo-provençale, aussi appelée hébraïco-comtadine, avec sa propre langue — le chouadit — un dialecte mêlant hébreu et occitan. Cette langue, comme tant d’autres langues régionales, a aujourd’hui quasiment disparu.
C’est aussi à cette époque que de nombreux noms de famille juifs font référence à leurs villes d’origine : ainsi des familles Lunel, Carpentras, Cavaillon ou Avigdor. À Aix-en-Provence, la famille Bédarride fournit deux maires au XIXe siècle, Salomon et Jossuda. Quant à Armand Lunel, écrivain aixois du XXe siècle, il sera l’un des derniers gardiens de la mémoire judéo-provençale.
Aix-en-Provence : une communauté juive ancienne
Dès le XIIe siècle, une communauté juive est attestée à Aix-en-Provence, alors capitale des comtes de Provence. Les Juifs y vivaient dans une relative mixité, comme l’atteste la rue du Puits Juif, en plein centre historique. Mais progressivement, ils sont regroupés dans un quartier spécifique, aujourd’hui disparu, situé à l’emplacement actuel de la place des Cardeurs.Comme dans d’autres villes de la région, l’expulsion royale de 1306 (ordonnée par Philippe le Bel) pousse nombre de familles à fuir vers le Comtat, où la présence juive originelle pourra se maintenir plusieurs siècles encore sous l’égide du Pape. 👍
Greg - 25 mai 2025