Pèlerinage dans la montagne de Roquepertuse, sur les traces de Sainte Eutropie

Mal au dos, aux hanches, aux genoux ? Sciatique qui flambe, rhumatisme qui coince, paralysie sournoise ? J’ai un remède testée depuis plus de mille ans : partez en pèlerinage à Velaux, direction la colline Sainte-Propice ! C’est un petit sommet provençal (235 m tout mouillé) thérapeutique, paraît-il. 😎

En une petite marche d’une heure, vous voilà à grimper un pic rocheux dominé par une chapelle dédiée à Sainte Eutropie (rien à voir avec Saint Eutrope, qui a donné son nom à un quatier d’Aix).

Et là, surprise : vous rallumez la flamme d’un pèlerinage oublié, qui a fait vibrer la Provence du Ve au XVIIIe siècle. À l’époque, c’était le Lourdes de la région — sans train spécial, mais avec la même ferveur. Tellement fréquenté qu’au XVIIIe, le curé local a fini par supplier l’évêque d’intervenir à cause des débordements et excés des pélerins... Imagines : fiesta mystique façon Bugarach !

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Qui était Sainte Eutropie ?

Eutropie, c’est la sainte qu’on priait quand on avait le corps en vrac. Torturée avec son frère Saint Nicaise par des envahisseurs barbares (Vandales, les bien nommés), elle devint une figure sacrée des estropiés. Les fidèles s’identifiaient à ses souffrances pour solliciter un miracle.

Et voilà comment, par glissement pieux ou lapsus linguæ, on est passé de Sainte Eutropie à Sainte Propice – autrement dit, la sainte "qui rend propice la guérison". Et dans la foulée, tous ceux qui boitent, crient ou grincent des articulations se sont joints à la procession. Elle avait lieu le 1er dimanche de mai, en remplacement de la date anniversaire de la Sainte (14 décembre), trop froide pour un pélérinage.

Lieu chargé spirituellement

Juste au pied de la colline, se trouve le sanctuaire de Roquepertuse, haut lieu sacré dès le paléolithique des Ligures, devenus Celto-Ligures… bref, un lieu spirituel bien avant Jésus. Une sorte de recyclage religieux, comme souvent avec le christianisme.

En chemin, quelques murets écroulés marquent encore les vestiges d'une enceinte et d'un village disparu (cités dans les documents anciens). On imagine mal aujourd’hui les foules qui gravissaient ces cailloux pour espérer un miracle, tellement le chemin de randonnée est étroit.

Pourquoi y aller maintenant ?

Parce que tout a disparu – ou presque. La chapelle est en ruine, envahie par le thym, les herbes folles et deux ou trois lézards (photos en fin d'article). Aucun panneau indictif du site, pas de GR non plus !

Seules quelques vierges en plastique, croix improvisées et santons témoignent qu’il y a encore des initiés qui montent là-haut en secret.

Mais la vue est sublime : toute la basse vallée de l’Arc s’ouvre à vous depuis le sommet. Pas besoin de miracle : le souffle coupé (par l’effort), le silence, et cette impression d’avoir remonté un temps oublié suffisent (sans doute à guérir... peut-être là le remède).

Et si on avait raté un Lourdes provençal ?

En grimpant, on ne peut s’empêcher de penser : Mais pourquoi n’a-t-on pas gardé ce lieu vivant ? C’était peut-être le sanctuaire rêvé… Et aujourd’hui, c’est un trésor caché, réservé aux curieux et aux gens qui aiment les chemins secrets.

Un peu comme si le ciel voulait que seuls les vrais randonneurs — ceux qui ont un bon bâton et quelques douleurs — méritent encore d’en découvrir la magie. 👍