Non mais sérieusement, tu ne peux pas te la jouer "connaisseur de la Provence" si tu ne sais même pas ce qu’est la Crau. C’est un peu comme dire que tu aimes la Camargue... sans savoir ce qu’est un flamant rose. Bref, à minima, tu dois savoir de quoi il s’agit, même si t’as jamais mis un pied là-bas. 😎
Déjà, un petit chauvinisme s’impose : la Crau, c’est la plus grande steppe d’Europe occidentale. Oui oui, une steppe, comme dans les documentaires sur les grandes plaines mongoles ou l’Ouest américain, sauf que là, c’est made in Provence. Si tu ne sais pas ce qu’est une steppe, c’est l’occasion d’en voir une pour de vrai : imagine une gigantesque plaine herbeuse, sèche, sans un arbre à l’horizon, juste du soleil, des cailloux et des herbes cramées par la chaleur. Un décor de western sans les cow-boys.
Tu veux le kiff total ? Prends la N568, entre Fos-sur-Mer et Arles. C’est la route qui traverse la Crau version "désert herbacé". Une vraie Route 66 provençale : 5 kilomètres tout droit, au milieu de nulle part, sans une maison, sans un arbre, juste toi, l’asphalte, et l’envie soudaine de voir passer un buisson roulant ou un mini tourbillon de poussière. Ambiance middle-west garantie.
Bon, petite leçon de géo locale : il y a deux Crau.
- La Crau sèche, la vraie, la brute, l’originelle,
- La Crau verte, version domestiquée avec irrigation (depuis le 16e siècle) et prairies verdoyantes.
Mais aujourd’hui, focus sur la sèche, la pure, celle qui sent le caillou chaud et la légende antique. La verte aura son article à elle seule, tellement spécifique aussi.
D’ailleurs, tu savais que le mot "Crau" vient du latin Crassus ? Cela veut dire "épais, dense", genre sol dur comme la vie sans fraicheur. Et ce sol si particulier, c’est à cause de millions de galets. Pas posés là par hasard : ils ont été charriés par la Durance, à l’époque où elle finissait sa route dans un grand delta en Crau, avant qu’un tremblement de géologie la détourne vers Avignon.
La Durance d’avant, c’était pas une rivière tranquille : c’était un bulldozer naturel, capable d’arracher des blocs aux Alpes et de les polir façon galets de spa. Résultat : des galets ronds et lisses partout, jusqu’à l’horizon.
Et comme les Anciens avaient de l’imagination, les Grecs pensaient que ces galets étaient une pluie de projectiles envoyée par les dieux pour aider Héraklès (Hercule, pour les intimes). D’autres disaient que c’était pour filer des cailloux aux hommes, histoire de mieux balancer sur les enemis (
Celtes ou Ligures). On est loin du caillou décoratif pour jardin zen, hein.
Mais attention, ces galets ne sont pas juste jolis : ils empêchent les arbres de pousser, car les racines, elles, n’arrivent pas à s’infiltrer dans cette armure minérale (pierres et leurs poussières ont formés une sorte de ciment – nommé "poudingue").
En surface ? Une végétation rase, coriace, cramée par le soleil, mais résistante. Ce tapis naturel porte même un nom de VIP local : le coussoul (mot provençal signifiant "terrain caillouteux et inculte", tout un programme).
Et là, plot twist : sous ce désert herbacé... se cache une mer souterraine. La Crau sèche abrite l’une des plus grandes nappes phréatiques de France (la plus balèze du sud, carrément). L’eau de la Crau verte irrigue, s’infiltre, et finit par couler en douce sous la steppe.
L’irrigation, en plus d’apporter un peu de limon (via l'eau de la Durance canalisée), ne peut pas tout retenir, alors ça s’en va tranquillement remplir le sous-sol. Résultat : sec en surface, mais mouillé dessous. Comme un pastis trop dilué. 👍
---- Maison de la Crau ----
Tout ce que je viens d’expliquer, je ne l’ai pas appris uniquement sur Internet, mais surtout en visitant la Maison de la Crau, à Saint-Martin-de-Crau — la seule commune portant le nom de ce paysage unique. Il s’agit d’un véritable centre d’interprétation, presque un musée, consacré à l’écosystème et à la biodiversité de la Crau.
On y découvre notamment une flore endémique, c’est-à-dire présente nulle part ailleurs dans le monde, ainsi qu’une faune très spécifique, rare voire absente dans le reste de la France.
Bref, la Crau, c’est une autre facette de la Provence sauvage, sans olives ni lavande, mais avec du vent, des galets, et une ambiance digne d’un vieux film de Sergio Leone.
Tu ne peux pas dire que tu connais la région si tu l’as jamais foulée du pied (ou de l’œil).
